La disponibilité future du zinc : résultats et discussion (3/4)

Après avoir exposé les méthodes et les données sur la disponibilité future du zinc, intéressons-nous maintenant aux résultats de l'étude, en extrapolant la demande et la disponibilité des ressources primaires et secondaires.

3.1. Scénario de demande de zinc

 

La demande de zinc dans les produits de première utilisation devrait augmenter de 17,5 Mt/a en 2019 à 28 Mt/a en 2050. La figure 1 ci-contre montre l'évolution de la production de première utilisation au fil du temps avec la période rétrospective allant jusqu’en 2019, et la demande projective à partir de 2020.

Sept études antérieures indiquent une demande globale de zinc en 2050 comprise entre 14,5 Mt/a et 38,8 Mt/a avec une moyenne de 26 Mt/a. Bien que la demande réelle de zinc en 2050 reste forcément inconnue, le scénario de demande présenté dans la figure 1 s'inscrit bien dans la fourchette des attentes concernant la demande future de zinc. Jusqu’en 2050, le scénario envisage une part légèrement accrue de zinc utilisé pour produire des composés chimiques (10 % en 2050) et des pièces moulées sous pression (16 % en 2050) au détriment de la majeure partie du laiton (10 % en 2050). La galvanisation de l'acier reste l'application la plus importante du zinc ; elle est estimée comme étant presque stable avec une part d'environ 57 %.

À notre connaissance, aucune nouvelle technologie émergente ou tendance de substitution ayant un impact significatif sur la demande de zinc n’est prévisible. La seule technologie émergente pourrait être celle des piles rechargeables au zinc. Cependant, cette innovation a encore besoin d’un développement substantiel pour atteindre une maturité commerciale. Par conséquent, le scénario de demande se concentre sur les utilisations courantes et largement appliquées du zinc.

Outre les aspects technologiques, une action politique conduisant à des changements comportementaux ou structurels peut avoir un impact sur la demande mondiale de zinc. Une mise en œuvre étendue et mondiale de l’économie circulaire pourrait conduire à une baisse de la demande de zinc en raison de mesures d’extension de la durée de vie telles que la réutilisation, la réparation, la remise à neuf ou la refabrication. L’avènement de l’économie de partage, conduisant à une intensité plus élevée d’utilisation de certains produits, pourrait aussi entraîner une baisse de la demande. Un changement significatif dans la vitesse moyenne mondiale d’expansion des énergies renouvelables influencerait également la quantité de zinc utilisée dans les technologies respectives, telles que les centrales éoliennes ou les réseaux électriques. En résumé, les facteurs politiques et technologiques sont pris en compte dans la mesure où les tendances actuelles se poursuivent, tandis que les changements perturbateurs et leur impact sur la demande de zinc ne font pas l'objet de cette étude.
 

3.2. Disponibilité à très long terme des ressources primaires

Le potentiel de découverte de gisements de soufre de Pb-Zn ou de saumures riches en métaux à des profondeurs beaucoup plus grandes est bien établi. Il ne fait aucun doute qu'une exploration approfondie révélerait beaucoup plus de ressources. La grande majorité des gisements actuellement exploités ont été identifiés grâce à des techniques d'exploration très simples.

Une étude sur les ressources non découvertes aux États-Unis a suggéré que les ressources jusqu'à une profondeur de 1 km pourraient généralement représenter 5 fois les ressources actuellement connues. Étant donné que les États-Unis ne représentent que 1 : 21 ​​​​​​de la surface totale de la croûte continentale, il est raisonnable d’extrapoler le potentiel de ressources de l’ensemble de la croûte terrestre, territoires sous-explorés par rapport aux États-Unis.

Dans l'hypothèse où une profondeur d'exploitation minière de 5 km est techniquement possible, en particulier avec le développement d'opérations télécommandées et sans pilote, cela équivaudrait à un total de ressources mondiales extractibles (EGR) allant d'une estimation très prudente de 25 Gt Zn à une estimation plus réaliste de 67 Gt Zn. Cela signifie que les ressources mondiales en zinc (633 Mt Zn) découvertes jusqu'à présent ne représentent que 0,95 % à 2,49 % des ressources mondiales extractibles. Compte tenu d’une augmentation significative et acceptable du prix du zinc au cours des siècles à venir, il ne fait aucun doute que davantage de ressources pourraient être libérées à des teneurs bien supérieures à celles prises en compte aujourd’hui dans l’estimation des ressources.

Les chiffres ci-dessus contrastent radicalement avec les chiffres publiés par Henckens et al. (2016), affirmant que 1,9 Gt sur un total de 2,8 Gt de ressources mondiales extractibles de zinc ont déjà été découvertes. Cette affirmation place le zinc dans la catégorie des ressources mondiales extractibles parmi les cinq éléments les plus rares de la Terre. En outre, cette théorie annonce que l’épuisement des ressources de zinc se produira après 2050. Henckens et al. utilisent une estimation EGR correspondant à 0,01 % d'un contenu crustal estimé à 28 Tt Zn, jusqu'au premier kilomètre seulement.

Notre estimation des ressources mondiales extractibles en zinc de 67 Gt Zn représente 0,034 % du contenu total de la croûte terrestre dans les cinq premiers kilomètres (198 Tt Zn). Cela semble parfaitement réaliste pour un métal de base largement distribué et mobile comme le zinc.
 

3.3. Disponibilité de matière première secondaire

Outre les matières premières primaires, plusieurs matières premières secondaires peuvent contribuer à répondre à la demande de zinc, via des processus de recyclage. Les sources secondaires potentielles sont les nouveaux rebuts provenant à la fois de la production de première utilisation et de la fabrication finale (déchets, les cendres, les scories et les résidus contenant du zinc), ainsi que les biens de post-consommation quittant le stock de biens en cours d'utilisation, en raison de la fin de leur durée de vie utile (= les vieux rebuts).

L'évolution de la production de déchets par origine est illustrée en figure 2. Ces flux constituent le potentiel théorique des matières premières secondaires, tandis que les pertes par dissipation, collecte, séparation et recyclage réduisent le potentiel de recyclage en pratique. La nouvelle production de ferraille issue de la production des premières utilisations et de la fabrication des utilisations finales augmente modérément, passant de 2,3 Mt/a et 1,7 Mt/a en 2019 à 3,0 Mt/a et 2,6 Mt/a en 2050. En raison de la demande croissante de zinc et de sa durée de vie considérable, notamment dans les produits galvanisés, le stock de zinc utilisé ne cesse de croître et atteint 491 Mt en 2050 contre 247 Mt en 2019.

En termes de croissance et de taille, le secteur du bâtiment et des infrastructures est la plus grande catégorie d'application, représentant 46 % du zinc global utilisé en 2050. Les sorties de stocks (ferraille EoL) augmentent de 10,9 Mt/an en 2019 à 17,5 Mt/an en 2050. La totalité du zinc quittant la phase d’utilisation n’est pas disponible pour la récupération. Les pertes de matériaux surviennent au cours de la phase d'utilisation, car les applications sont intrinsèquement dissipatives ainsi que par la corrosion, l'abrasion ou les produits abandonnés sur place et donc difficilement récupérables. Sur les sorties de stocks, 80 % étaient théoriquement récupérables en 2019, tandis qu'en 2050, 77 %, soit 13,4 Mt/a, seraient récupérables pour le recyclage, ce qui provient de légers changements au sein de la distribution de l'utilisation finale. Par conséquent, 19,1 Mt/a de zinc sont potentiellement collectables pour être recyclés à partir de déchets nouveaux et anciens en 2050.

Outre ces matières premières secondaires, les décharges et les résidus peuvent être des sources de production de zinc. En raison du prix relativement bas du zinc et du processus très difficile de récupération du zinc à partir de ces sources, l’exploitation minière dans les décharges est négligée en tant que matière première secondaire.
 

3.4. Implications pour l’approvisionnement

L’approvisionnement en zinc peut être différencié en approvisionnement primaire et secondaire. Deux scénarios jusqu'en 2050 sont développés, qui reposent sur la même demande globale (cf. section 3.1) mais diffèrent par la quantité de zinc issu du recyclage. Selon le scénario de demande présumé, l’offre future réelle se situerait entre les deux scénarios extrêmes. Le scénario RI (amélioration du recyclage) donne le recyclage maximum et l'extraction minimale, tandis que le scénario RU (Recycling as Usual) représente le cas inverse. La figure 3 montre l'approvisionnement en zinc provenant de l'exploitation minière et du recyclage. Nous estimons que la collecte des déchets anciens augmentera de 7,7 (RU) à 10,7 Mt/a (RI) de zinc par an en 2050.

Globalement, le recyclage du zinc augmente de 6,2 Mt/an en 2019 à 9,3 Mt/an (RU) ou 14,3 Mt/an (RI) en 2050, ce qui montre une croissance avec un taux qui est constant, voire croissant. En conséquence, une extension de la capacité mondiale actuelle de recyclage du zinc est indispensable, même dans le scénario RU. Outre l'augmentation de la capacité de recyclage, le scénario RI présuppose une exploitation globale et une amélioration substantielle des systèmes de recyclage, comme une utilisation plus intense des poussières sidérurgiques, la récupération du zinc à partir des déchets solides municipaux et une amélioration de la collecte des déchets après consommation. Le potentiel maximal de recyclage du zinc est clairement défini à travers la disponibilité de matières premières secondaires. Même dans le scénario RI, ce potentiel ne sera pas pleinement exploité en raison d’une collecte incomplète et de pertes inévitables définies par la thermodynamique.

Fig. 3. Approvisionnement en zinc provenant du recyclage (à gauche) et de l'exploitation minière (à droite). La zone rayée est égale à la différence entre les scénarios RU et RI.

Même avec de fortes améliorations dans la collecte et le traitement, les matières premières secondaires ne peuvent pas fournir suffisamment de zinc pour répondre à la demande projetée. Les matériaux non disponibles au recyclage devront provenir de sources primaires. Pour répondre à la demande mondiale, il faudra extraire entre 17,2 et 22,3 Mt/an de zinc en 2050. Dans le scénario RU, la croissance de l’extraction du zinc de 2020 à 2050 doit être presque constante, alors qu’elle ralentit dans le scénario RI et atteint un point culminant vers 2050. Le taux d'apport de recyclage donne la part du recyclage dans l'offre globale de zinc et est estimé à 29 % dans le scénario RU et 45 % dans le scénario RI en 2050.

Comme le montre la figure 3, l’exploitation minière devrait croître entre 2020 et 2050 de 140 à 182 %. En comparaison, la production minière de zinc a augmenté de 172 % sur la même période entre 1990 et 2020. La poursuite de la croissance de la capacité minière à un rythme historique ne semble pas constituer un goulot d'étranglement pour la future production de zinc primaire. Au total, le scénario donne une quantité de 500 à 560 Mt d’extraction de zinc entre 2020 et 2050. Dans le cas du zinc, l’exploitation minière estimée entre 2020 et 2050 double les réserves actuelles de 250 Mt. En réalité, cela ne devrait pas être préoccupant, car les réserves et les ressources actuellement connues sont dynamiques. Les gisements qui constituent des ressources actuelles peuvent se déplacer vers des réserves et la détection de ressources inconnues peut accroître les ressources connues. Ce processus continu a conduit à une augmentation des réserves de zinc entre 2000 et 2021 parallèlement à la production minière.

Les actions nécessaires pour étendre les réserves et les ressources connues sont l'exploration, les développements technologiques comme l'extraction télécommandée pour augmenter la profondeur de l'exploitation minière, ainsi que l'autorisation et le retraitement des résidus miniers. Par ailleurs, la rentabilité de l’exploitation minière, qui est affectée par les prix du zinc et les coûts miniers, a une influence considérable sur l’expansion des capacités minières. La récupération des sous-produits, par exemple les métaux précieux, l’indium ou le germanium issus de l’extraction du zinc pourraient également influencer sa rentabilité. Dans l’hypothèse raisonnable que la moitié des ressources actuellement connues se transformeront en réserves et que l’exploration contribuera à de nouvelles découvertes, il ne fait aucun doute que les 500 à 560 Mt cumulées de Zn nécessaires jusqu’en 2050 seront physiquement disponibles.
 

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